
Les Yeux de sa mère conte l'éternelle histoire de la mère qui abandonne son enfant au profit de sa carrière, thème souvent abordé, de diverses manières, quelques fois par exemple par des téléfilms miteux et plein de pathos agaçant. Thierry Klifa et Christopher Thomson, heureusement, n'empruntent pas le même chemin: au lieu de rendre leur propos trop lourd, ils créent autour une certaine dynamique en peuplant le récit d'une poignée de personnages intéressants tourbillonnant autour de la même histoire. Ce théâtre, ce mélodrame jouit donc d'un enchevêtrement de personnalités distinctes qui font sa force: Lena, présentatrice du journal TV, vieillissante, mère de Maria, danseuse étoile, celle qui a abandonné son fils. Le dit fils, Bruno, résident en Bretagne avec sa mère adoptive. Parmi d'autres, ces trois là sont le c½ur du métrage, et pour les faire interagir de la meilleure manière possible, il y a Matthieu, journaliste-écrivain, personnage moteur, noyau de tout ce drame familial sur lequel les protagonistes n'ont aucun contrôle. Lui il sait tout, il se fait assistant de Lena, flirte avec Maria et part finalement chercher Bruno en Bretagne à la place de cette dernière. Il fait le lien entre chacun et reconstruit un puzzle dont les pièces tendent à manquer. La force de l'écriture se ressent dans ces quatre personnages brossés avec minutie : les liens qui les unissent sont fragiles, et chacun a ses propres tourments, ses peurs, ses forces et ses faiblesses.
Malheureusement, en mettant toute cette puissance dans ces quatre têtes d'affiches, Klifa tend à oublier les autres. Ainsi, des acteurs comme Marina Foïs, Jean-Marc Barr ou Karole Rocher se voient légèrement sacrifiés. C'est dommage, car le casting est excellent : dominé par Catherine Deneuve et Géraldine Pailhas, il est aussi l'occasion de découvrir un jeune acteur très prometteur, Jean-Baptiste Lafarge (Bruno), et de redécouvrir à travers un rôle plein d'ambiguïté et avec un jeu plein de délicatesse, le ténébreux Nicolas Duvauchelle (Matthieu), et ce même s'il n'articule pas toujours –croyez-moi des fois, c'est un problème-. A vrai dire tous les acteurs sont impeccables ou presque, mais certains font plus d'étincelles que d'autres. De la même manière, le film est très riche, mais peut-être trop, et les diverses intrigues ou thèmes abordés sont quelques fois noyés dans la masse. Certes, l'écueil se voit un peu rattrapé par une mise en scène esthétique et proprette, digne de rivaliser avec James Gray et comme je l'ai sous-entendu, une écriture très respectable, mais le fait est qu'on reste assez perturbé de voir autant d'idées jaillir de partout sans que la plupart soient creusées jusqu'au bout. C'est bien le problème des films choraux, savoir gérer les personnages, et ne pas s'égarer à force d'intrigues secondaires dispensables.
D'un autre côté, le film n'ennuie pas. Mieux encore, il touche. Les émotions sont diffusées par l'écriture, la mise en scène et les acteurs donc, mais également par la bande-originale, composée par Gustavo Santaolalla –déjà à l'origine de la musique de Brokeback Mountain- qui est très efficace, douce et sachant parfaitement accentuer la profondeur des scènes qu'elle illustre. Point d'orgue, la chanson de Serge Reggiani « Ma fille », sorte d'hymne du film, d'ailleurs un peu laborieusement reprise par le jeune Lafarge qui lui insuffle tout le background nécessaire et lui donne donc plus d'ampleur. La musique berce le métrage de son aura et c'est indubitablement une force, le tout en ressortant plus attachant. On appréciera également les références, le film rappelant pour plusieurs raisons l'univers de Pedro Almodovar, notamment dans cette approche du drame familial, du conflit mère-fille, des passages en espagnol et ou encore du difficile lien parent-enfant. Du Volver ou du Tout sur ma mère ici et là, du mélodrame recomposé par un réalisateur appliqué et sincère.
Car oui, malgré ses défauts et le désir de vouloir trop en faire, Thierry Klifa réussit à nous convaincre de sa sincérité et de son talent. Les Yeux de sa mère est assez beau, sur le fond comme sur la forme pour faire oublier cet éparpillement, qui n'altère que très légèrement sa force et son intérêt. Avec un casting étoilé et une technique maîtrisée, le film se laisse regarder sans problème et sa maladresse s'oublie vite au profit d'une richesse appréciable et d'un traitement fin et touchant. Un bien joli tableau. --- ★★★
Film belge, français. Drame. 1h45. Sortie le 23 mars 2011. Avec Catherine Deneuve, Géraldine Pailhas,
Nicolas Duvauchelle, ... Ecrit par Christopher Thompson et Thierry Klifa. Réalisé par Thierry Klifa.
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Chocolate-TV, Posté le vendredi 23 septembre 2011 11:41
Celui ci me tente beaucoup. Je le verrai à la télé. J'adore le synopsis !